Honda iconique

Honda NR750

La licorne de Honda


Était-ce l’entêtement d’un rêve d’ingénierie ? S’agissait-il d’une folie ou d’un essai assumé ? Personne ne pourra jamais le dire avec certitude. Mais lorsque Honda a lancé la NR 750 en 1991 avec sa configuration V4, ses pistons ovales, ses 32 soupapes et ses 8 bielles, le monde de moto s’est gratté la tête avec stupéfaction. L’ingéniosité technique, le degré de finition et l’esthétique étaient d’un niveau jamais vu.

Ne jamais lâcher prise

L’origine du projet est à trouver dans la compétition des années 80. Dès 1979, Honda avait développé la NR 500 pour les championnats du monde de circuit. C’est un quatre temps avec de larges pistons ovales montés chacun sur deux bielles, huit soupapes et deux bougies d’allumage, et ce à une époque où la course était complètement dominée par les deux temps. La NR 500 était un vrai casse-tête technique - entre autres à cause de l’étanchéité des cylindres à haut régime - mais était également beaucoup trop lourde par rapport aux deux temps et délivrait finalement trop peu de puissance. En 1982, Honda est repassé aux deux temps avec la NS 500. Le projet a disparu des radars, mais pas des plannings du constructeur. En 1987 le projet a refait surface, pour la première fois en version 750cc aux 24 Heures du Mans, où l’on a donc découvert la première NR 750. Bien que la machine engagée au Mans n’ait pas franchi la ligne d’arrivée en raison d’un bris de bielle, Honda a vu son potentiel, mais pour pouvoir participer aux championnats du monde, la NR 750 devait avoir un équivalent « street legal », en édition limitée...

Elitiste

Le V4 à 90° étalait une ingéniosité inédite à l’époque. Les pistons étaient ovales pour actionner pas moins de 8 soupapes par cylindre, avec deux arbres à cames et deux bielles et deux bougies d’allumage par cylindre. Tout cela selon le principe qu’avec des pièces mobiles plus nombreuses mais plus légères, des vitesses plus élevées peuvent être atteintes. Les radiateurs ont été intégrés sur les côtés du cockpit. Bien qu’en course et dans les modèles de préproduction on parlait d’une puissance de 160cv et plus, la puissance n’était au final « que » de 125cv à 14 000 trs/min. La partie-cycle dérivée de la Honda VFR 750 était une véritable œuvre d’art, avec un cadre en aluminium, son mono-amortisseur, son mono-bras et son système anti-plongée TRAC. En surplus, la suspension était entièrement réglable et tout ce qui pouvait l’être était fait de carbone et de kevlar, y compris le réservoir et le cockpit, avec une précision incroyable dans la finition et les détails.

Honda a donc joué la carte de la machine d’exception réservée à quelques privilégiés. Ils aimaient positionner la NR 750 dans la même tendance que des icônes telles que la Ferrari Testarossa et autres Lamborghini Countach. La Honda NR 750 n’a été produite que sur commande dans une édition limitée à 500 unités.

Le prix de la NR 750 a de quoi donner le vertige au pilote moyen. A l’époque, elle coûtait plus de 2 millions de Francs belges (ou plus de 50 000 € aujourd’hui). Heureusement, Honda avait lancé la Honda CBR 900 RR Fireblade presque en même temps. Elle coûte facilement cinq ou six fois moins cher. Cependant, la Fireblade pesait également 40 kilos de moins et était presque aussi puissante… et rongeait finalement l’image de « superbike ultime » de la NR, alors que toutes les grandes marques japonaises et européennes rivalisaient le couteau entre les dents pour proposer le meilleur rapport poids/puissance. Les chiffres de vente ont été décevants avec seulement 322 unités écoulées dans le monde. La chance de tomber sur une NR 750 quelque part aujourd’hui est aussi faible que de tomber un beau matin sur une licorne en plein milieu de votre jardin.